PV-Bench : des modules solaires passés au crible du Mont-Soleil

Le projet pilote « PV-Bench 23-24» sur le Mont-Soleil vise à comparer les performances de différents modules photovoltaïques (PV). Après plus d’un an de tests, les résultats montrent des différences significatives, mais la qualité du module suisse se démarque. Pour atteindre cette précision, un protocole de test a été conçu, une méthodologie de filtrage des données élaborée et un appareil de mesure spécialement développé par la Haute École Spécialisée Bernoise (BFH).

Depuis plus de trente ans, la centrale photovoltaïque de Mont-Soleil produit de l’électricité. Initialement, son objectif était de prouver la faisabilité de la technologie solaire. Aujourd’hui, cette installation vieille de 32 ans affiche une dégradation des performances inférieure à 8 %, soit bien au-delà des garanties de l’époque. Cette installation est-elle encore pertinente aujourd’hui alors que la majorité des modules photovoltaïques viennent de Chine et que la technologie des années 90 a disparu du marché ?

Pour répondre à cette question, la Société Mont-Soleil, l’Espace découverte Énergie et la Haute École Spécialisée Bernoise (BFH) ont lancé le projet pilote « PV Bench Mont-Soleil ». Ce projet vise à évaluer la qualité des modules solaires dans un contexte où leur coût a chuté et où la question de leur fiabilité et de leur durabilité se pose avec plus d’insistance.

Des modèles de panneaux soigneusement sélectionnés

Le projet s’est proposé de tester 6 modèles de panneaux PV du marché, produits par 5 fournisseurs différents et couvrant 3 technologie concurrentes :

  • Jinko Solar, Tiger Neo, 430 W
  • Meyer Burger, bifacial, 375 W
  • Meyer Burger, blanc, 385 W
  • Ja Solar, JAM60S20, 385 W
  • 3S, MegaSlate II, 195 W

La sélection inclut des modules chinois (Jinko Solar et Ja Solar), allemands (Meyer Burger) et suisse (3S). Les cellules utilisent les technologies TOPCon (Jinko Solar), HJT (Meyer Burger) et PERC (Ja Solar et 3S).

Un dispositif de test de haute précision

Pour garantir des résultats fiables, une table de test a été construite. En plus des mesures récoltées par des pyranomètres qui permettent de comparer la puissance produite par un panneau PV avec l’irradiation, un appareil spécifique a été développé par les étudiants de la BFh en collaboration avec le laboratoire PV de la BFh (voir Photo 1). Ce nouvel appareil appelé « IV-Curve-Tracer IVCT » fonctionne de la manière suivante : chaque module PV est connecté à un micro-onduleur en fonctionnement normal, comme dans une installation solaire de balcon. Ainsi, PV-Bench se compose donc de 30 installations solaires de balcon, garantissant que les modules ne s’influencent pas mutuellement. Chaque minute, les modules sont déconnectés de l’onduleur pour permettre à l’IVCT de mesurer pendant 100 millisecondes la tension en circuit ouvert, le courant de court-circuit et la courbe caractéristique des modules.

Photo de « IV-Curve Tracer IVCT » – appareil de mesure développé spécifiquement pour cette recherche

Exemple de courbe tension-courant mesurée par l’appareil « IV Curve Tracer IVCT »

Réduire la quantité de données, sans perdre en précision

Une analyse statistique a permis de réduire la quantité de points mesurés sans altérer la précision des résultats. Ainsi une réduction de dimensionalité d’un facteur 100 a été appliquée afin de ne traiter « que » 100 points de mesure par minutes et par panneau photovoltaïque.

Ces 100 points forment une courbe qui met en relation le courant et la tension. Ils permettent d’évaluer les performance d’un module solaire. De la courbe de mesure sont extrait des points pertinents comme la puissance maximale que le module peut produire, le courant de court-circuit et la tension de circuit ouvert. Finalement une fonction de dégradation a été utilisée afin de quantifier la détérioration des performances du module au cours du temps en intégrant différentes variables.

 

 

 

Mesures à long terme en conditions réelles

Un des objectifs de cette recherche est de fiabiliser des mesures précises à long terme en conditions réelles. En effet, ces dernières sont essentielles pour comprendre la durabilité et l’efficacité des installations PV au fil du temps. Cependant, ces mesures sont sujettes à diverse types d’erreur qui réduisent leur fiabilité.

Pour pallier cela, une méthode de filtration des données a été paramétrée et appliquée. Elle permet de :

  • Éliminer les valeurs aberrantes et les données non représentatives
  • Réduire le bruit de mesure pour obtenir des résultats plus stables
  • Identifier et exclure les effets non liés à la dégradation réelle des panneaux telles que – par exemple – les données recueillies lors d’une irradiation très faible

Finalement, les données récoltées et filtrées permettent de tirer de nombreuses conclusions scientifiques sur les modules PV. On peut ainsi évaluer la performance et le rendement ainsi que l’état interne des modules. La qualité et la précision des données permettent – par exemple – de mesurer la dégradation des soudures des barrettes de connexion qui lient les cellules solaires.

Résultats et conclusion

Après une année de fonctionnement, bien que des conclusions sur la durée de vie des modules ne puissent encore être tirées, des premiers enseignements ont été obtenus, en accord avec les résultats d’autres projets de recherche :

  • La tendance à « toujours moins de contenu dans l’emballage » se manifeste aussi dans l’univers des modules PV. Le fabricant suisse 3S est le seul à fournir exactement la performance promise, tandis que les autres modules présentent une différence de 2-3 % dans les tolérances.
  • Les technologies éprouvées PERC de 3S et JA Solar montrent le moins de pertes de performance. En revanche, TOPCon et HJT affichent une certaine baisse de performance après un an.
  • Le module en verre-verre fournit des performances plus stables que le module en verre-film. Ce résultat n’est pas inattendu : la face arrière en verre offre une meilleure protection que le film traditionnel.

Enfin, PV-Bench révèle un défi : la plupart des produits testés ne sont déjà plus disponibles sur le marché. Les résultats ne sont donc pas particulièrement représentatifs pour le choix de modules dans un projet PV. Toutefois, ils augmentent la pression sur les fabricants pour qu’ils produisent des modules de qualité. Et c’est précisément l’un des principaux objectifs de PV-Bench : comparer les produits pour améliorer la qualité des installations PV.

Pour en savoir plus au sujet du projet pilote PV Bench : www.pv-bench.ch

Dr. Christof Bucher, Professeur des systèmes photovoltaiques – Berner Fachhoch Schule

Laurent Raeber, Directeur Swiss Energypark et Société Mont-Soleil